DJ Bertrand, en résidence à Skylegend:

Skylegend: Autant que tu t'en souviennes, c'était à quel âge que tu as commencé à parler dans un micro ?

DJ Bertrand: "J’ai commencé à parler dans un micro dans ma chambre vers 10-12 ans,  je crois. Je m’étais trouvé des génériques avec les musiques de Barry White et Love Unlimited Orchestra". 

DJ Bertrand, c'est d'abord un DJ qui fait de la radio ou d'abord un animateur de radio qui sait mixer ?

"DJ Bertrand c’est avant tout un DJ qui fait de la radio. J’ai intégré Skyrock pour faire de la production et non pour être animateur. C’est venu comme ça car RLP, Rody ou La Mouche me faisaient participer aux interventions du Top Dance et le jour où RLP a décidé de quitter le navire, on s’est tourné vers moi pour prendre la suite".

Ta première rencontre avec Pierre Bellanger, c'était comment ? Racontes !

"Un jour, j’ai croisé un type dans le couloir étroit de la station. Je ne l’ai même pas calculé. Il y a des gens qui vont et viennent en journée, on ne fait pas attention. Un animateur est venu me voir par la suite et m’a dit. « Le gars que tu as croisé et à qui tu n’as pas dit bonjour, c’est Bellanger, le patron de Skyrock. ». Je pouvais pas deviner"

Il paraît qu'une fois, tu as fait un blanc de 1 heure à l'antenne... A moins que ce soit Malher ?

"Oui, nous avions installé dans le studio un matériel pour gérer les publicités à l’antenne, un appareil numérique nommé DDO. Il servait également à rentrer nos jingles. Un jour, la semaine de Noël, j’ai voulu numériser quelque chose et la bécane a planté pour une raison inconnue et le blanc à l’antenne a duré un certain temps avant que Marc Augis vienne dépanner. J’ai pris un avertissement par écrit et je me suis juré de ne plus jamais retoucher à cette bécane d’une fiabilité douteuse".

Comment tu qualifierais l'ambiance de  SKY 90 ? Selon nos infos, les "megamixeurs" de la fin de la semaine étaient un peu méprisés de l'équipe ?Comment tu qualifierais l'ambiance de SKY 90 ? 

"Oui, les animateurs de fin de semaine, étaient « hors sondage » Mediamétrie, ils étaient considérés un peu comme les seconds couteaux de la station, ceux qui n’ont pas leur WE. Et puis au sein d’une radio généraliste assez rock quand même, la dance music était considérée par les animateurs de l’époque comme une musique mineure, une musique de beaufs.".

La max party, forcément on en parle elle a marqué toute une génération. Ton meilleur souvenir ?

 "La Max Party n’a pas eu le temps de marquer les esprits, elle n’a duré qu’une saison. Si elle avait imprimé chez les auditeurs, la house music aurait pris une certaine ampleur en France, ce qui n’a pas été le cas. Ca reste une musique de tubes épisodiques mais pas une tendance lourde dans les goûts de l ‘époque. 

Mes meilleurs souvenirs, c’est d’avoir interviewé mon maître es-remix, à savoir David Moralès, et d’avoir rencontré des DJ’s comme Maurice Joshua (acolyte de Steve Silk Hurley) ou Lil’ Louis."

Que penses tu de SKYROCK telle qu'elle est devenue ?

"La loi sur les quotas français, une spécificité bien française, a contraint Skyrock à évoluer et à changer son modèle économique. Le style musical qui proposait le plus de titres, la scène qui était la plus active en la matière était la scène rap donc Skyrock a été « contrainte » de prendre le pari risqué de devenir 100% rap et ça a fonctionné. Non pas que les dirigeants de Skyrock était des fans absolus de ce style mais selon l’adage, « nécessité fait loi ».

Petit à petit, notamment avec Tabatha Cash et sa clique, une nouvelle faune investissait progressivement la station et l’ambiance que j’avais connue en arrivant en 1991 changeait. Beaucoup d’animateurs historiques étaient partis. Difool et son équipe prenaient les commandes. Ca n’était plus mon Skyrock."

Et Pierre Bellanger, il était vraiment visionnaire ?

"Pierre Bellanger, oui un vrai visionnaire, un défenseur de la liberté, un homme qui voulait bousculer un peu l’ordre établi, provoquer si possible. les panels, le système de la power rotation, la libre antenne de Mahler… le bruit de fond qui soi-disant faisait fuir les moustiques quand on écoutait Skyrock, c’est Bellanger.

Avec sa créativité, Il aurait pu devenir N°1 mais Skyrock aura toujours souffert du manque d’émetteurs pour bénéficier d’une couverture nationale. C’était son obsession permanente. et on ne peut pas dire que les pouvoirs publics l’aient beaucoup aidé."

DJ Bertrand ce n'est que Skyrock et donc Skylegend ? Tu as bien du faire quelques escapades sur d'autres ondes ?

"Non, je n’ai connu pas d’autre radio que Skyrock et maintenant Skylegend."

A l'époque, on vivait bien, en étant DJ à Sky ?

"J’étais rémunéré à la pige au début quand j’étais DJ/producteur donc très modestement, puis de manière beaucoup plus confortable dès que je suis devenu animateur. Les animateurs étaient plutôt bien payés, surtout les animateurs de semaine."

Parlons un peu de tes gouts musicaux. Tu as produit quelques 150 podcasts en soulful, tu préféres la soul ou la  dance ?

"Si je préfère la soul ou la dance ? Je suis plus soulful que dance et mes podcasts le reflètent. D’ailleurs, je glissait toujours quelques productions garage dans mes megamixes du Top Dance. J’ai toujours été baigné dans la black music en tant que DJ."

Si tu devais citer 3 groupes qui ont révolutionné la dance à l'époque ?

"Pour moi, ceux qui ont révolutionné la dance, c’est plutôt les producteurs du nord de l’Europe (belges, allemands, suédois,hollandais) avec des mélodies imparables et un gros son techno derrière. Donc on va dire Culture Beat, Snap, Bass bumpers, Masterboy, 2 Unlimited, 2 Brothers on the 4th Floor, E Type…"

Aujourd'hui quel est ton métier ? Des regrets de ne pas avoir continuer dans le milieux impitoyable des médias ?

"Aujourd’hui, je me consacre à la production. J’ai sorti un EP en 2024 et deux titres en 2025. Deux nouveaux titres vont sortir fin août sur des labels hollandais et anglais.

Je n’ai jamais réussi à retrouver une radio car je voulais proposer mes concepts et non pas se contenter d’annoncer/désannoncer une playliste formatée top 40 donc ça n’intéressait personne. Je ne voulais pas devenir un « routinier de la FM ». Si je ne peux pas donner mon avis et programmer mes goûts, ça ne m’intéresse pas de faire de la radio. Quand j’entends des animateurs dire «pour le suite de la prog’, j’ai choisi pour vous untel ou trucmuche » ou bien « ici on adore ce groupe »… c’est de la foutaise car on sait que tout est décidé d’en haut avec comme seule règle, jouer ce qui a marché dans les  charts internationales et orchestrer des partenariats promos avec les labels sur tel ou tel artiste".

La musique d'aujourd'hui, et je ne parle meme pas de rap, tu supportes encore quelques artistes, ou tu regardes obstinément vers les années 80/90 ?

"Non, je ne suis pas un nostalgique d’une époque révolue. J’écoute de la musique régulièrement à travers des webradios dance/house étrangères (donc exemptées des quotas français), des podcasts de Dj et des sites comme Traxsource. Je suis le classement Billboard et les charts UK.

La seule différence avec les années 80/90 est que la richesse artistique est moindre aujourd’hui, les compositions sont souvent assez minimalistes, avec 3 ou 4 accords en gamme majeure, toujours les mêmes.  Ce qui a progressé, c’est le sound design et la puissance sonore.

Je regrette aussi l’époque où le sampling permettait de réaliser des oeuvres complètement folles".

Avec le digital dont Skylegend, c'est la mort lente de la diffusion y compris en linéaire de la radio, l'avenir de la radio, ce n'est pas le DAB+ ?

"Cela fait longtemps qu’on attend la mort du son FM analogique mais il est toujours là, avec les problèmes de réception qu’on connait. Le DAB+, c’est un confort absolu, des infos sur les titres diffusés, souvent pas de coupure pub sur des radios dédiées à ce format. Tant que l’on maintient un traitement de son qui met en valeur les titres et qu’on ne passe pas à un son « droit » comme FIP ou France Inter, ça ira. Il faut un peu d’esbroufe sonore pour captiver l’auditeur."

Quelles relations gardes tu avec tes anciens collègues de SKY ? Max (Méchin) était il un partenaire sympa ?

"Quand je me suis inscrit sur Facebook, j’ai retrouvé des anciens de Skyrock. On s’est mis en amis mais en fait il n’y a jamais eu aucune conversation suivie ni de rencontres réelles. Tout ça , ca reste du virtuel total. J’ai revu il y a quelques années Rosco et Dominique Bourron de la Skyrave, je reste en contact avec Cutmaster, mon acolyte du Top Dance mais à part ça, pas de réel suivi.

Jean-Michel Meschin était un peu space. On a fait la Max Party ensemble mais mis à part l’émission, il n’y avait aucun contact entre nous. Quand je l’ai revu quelques années plus tard chez un disquaire de Bastille, il m’a regardé mais c’est tout".

Skylegend finalement pour toi, comme pour tous ses auditeurs, c'est une vraie cure de jouvence ?

"Skylegend c’est la renaissance du Skyrock originel avec un gros son qui faisait l’identité sonore de la station. La pro’ est variée, on ne s’ennuie jamais, il y a un habillage d’antenne avec l’historique Dorval… J’espère que la radio trouvera sa place en DAB+ et sur le web parmi les radios incontournables. Maxximum l’a fait, pourquoi pas Skylegend ?"

Mixer le travail des artistes et seulement mixer, ça ne donne pas envie de composer soit meme ? On se souvient du titre "Gotta Have It" de V.Paradis, dont la version dance était interdite... c'est toi qui l'a entièrement remixée ? Racontes nous l'histoire de ce remix ....

"Comme je l’ai dit plus haut, je produis en permanence. Cela prend beaucoup de temps car il faut écrire, composer, caster des artistes, arranger, masteriser puis lancer des campagnes de démarchage auprès des labels.

Concernant « Gotta Have It », voilà comment les choses se sont passés. Mon associé Pascal Henninot avait acheté l’album de Vanessa Paradis produit par Kravitz. Il y avait un titre qui était enregistré à l’ancienne avec la voix d’un côté et la musique de l’autre (comme les Beatles à l’époque), « Gotta Have It ». Il m’a proposé de prendre l’accapella et de faire un remix à la façon Steve Silk Hurley », ce que nous avons fait. Le remix a été interdit par Kravitz. Je ne sais plus comment un producteur  est tombé la dessus mais le fait est que quelqu’un nous a mis en relation  avec lui et qu’il nous à proposé de le rechanter avec une artiste nommée Shanna Wilkerson. C’est sorti en Angleterre en tout anonymat, avec une version deep house en plus. On avait écrit une face B pour pouvoir toucher des droits sur le pressage et finalement, c’est cette face B « Do me Boy » » qui a été signée en France par BMG.

De plus, Paris Red avait aussi sorti un cover et ça a tué notre idée donc souvenir mitigé. Je l’ai passé dans la Max Party pour rigoler mais c’est tout".